Sierre-Zinal 2015

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Bonjour à tous,

 

Comme vous le savez probablement, Runnin’Grez était représenté par une petite délégation (Hilde, Barbara, Vincent, Marc et moi-même aidés et supportés par Françoise, Peter, Yves et Natalie) lors de la quarante-deuxième édition de la course des cinq 4000, Sierre-zinal 2015.

Je vous passe les détails des quelques jours précédents la course, me contentant de dire qu’ils furent constitués d’un régime (éprouvant ^^) ainsi que d’une chasse au matériel nécessaire pour le grand jour (pour certains en tout cas :D). Il faut également signaler le travail qu’a fait pour nous notre « équipe d’assistance » personnalisée. Ils nous ont, en effet, traités comme des coqs en pâtes le samedi et le dimanche afin que nous n’ayons à penser qu’à la course. Un grand merci à eux ! Ils ont d’ailleurs, eux aussi, relevé un défi. Il n’était, en effet, pas évident de préparer un repas savoureux en respectant les nombreuses contraintes de notre régime d’avant course (beaucoup de glucides, pas d’épices, pas d’oignons,…).

Et c’est là que commence vraiment l’aventure. Quand on essaye (vainement pour la plupart) d’aller se coucher vers 20h. Difficile de trouver le sommeil à une heure si peu avancée de la soirée. D’autant que la pression qui commence à se faire sentir n’aide pas. Pas plus que le concert qui a lieu sous nos fenêtres :D. Nous arrivons toutefois à grappiller quelques heures de sommeil.

Dimanche Matin. Réveil à 3h00. Pas évident. Et pas évident non plus de manger à cette heure-là. Mais il faut bien mettre du carburant dans la machine ! Heureusement que tout avait été préparé par notre assistance technique la veille. Nous sommes également vite équipés, tout le matériel ayant été consciencieusement préparé, vérifié et re-vérifié la veille (même les dossards étaient déjà pré-épinglés sur les maillots).

Et nous voilà partis pour la descente d’Anzère vers Sierre. On se gare, on récupère le matériel dans la voiture et c’est parti pour une petite marche d’approche dans le noir. Autour de nous, c’est un ballet ininterrompu de phares de voitures et de lumières de frontales. La foule est…conséquente.

On rejoint la ligne de départ et c’est parti pour l’attente. Il fait chaud et lourd, avant même de démarrer, je commence déjà à transpirer. Le départ est proche et chacun à sa propre manière pour se préparer à l’épreuve. Marc et Vincent font les zouaves et rigolent de tout et n’importe quoi. Hilde et moi, concentrés, sommes plus silencieux (bien qu’amusés par ces gais lurons J ). L’ambiance sur la ligne est assuré par un jazzband local et peut être plus encore par une speakrine…peu inspirée dirons-nous. Ses erreurs, lapsus et commentaires surréalistes alimentent d’ailleurs les plaisanteries de nos deux joyeux compagnons. La commentatrice annonce alors deux minutes avant le départ. La musique officielle de Sierre-Zinal retentit dans les haut-parleurs. C’est une musique prenante qui n’est pas sans rappeler les univers de Carl Orff ou de Vangelis. Cette musique, combinée à la pression et l’anticipation entraîne chez certains coureurs impressionnables (comme moi par exemple 😀 ) un cocktail d’émotions difficilement descriptible.

La musique s’arrête et le départ est donné. Il faut encore quelques instants avant que la colonne des 2223 coureurs se mette en branle. On passe la ligne de départ au pas et au son de « Oh When the Saints » (du Gospel, sérieux ? On doit commencer à s’inquiéter ou quoi ? :D) et la course commence. Au bout de quelques dizaines de mètres, un premier choix s’offre à nous : prendre un petit chemin en escalier à gauche vers Saint-Antoine ou prendre la montée en macadam vers Niouc. Nous en avions discuté la veille et nous prenons tous vers Niouc en espérant pouvoir courir un peu avant d’être bloqués dans les bouchons. C’est parti donc pour 1 km de montée sur route. Il y a beaucoup de monde mais la route est large donc on ne se sent pas (encore) oppressés. Au bout d’un kilomètre, on arrive dans les lacets des petits chemins. L’ascension commence vraiment. Et tout de suite le rythme chute. 2223 personnes dans des chemins de montagne, il fallait s’en douter, ça bouchonne. Ça bouchonne sec même. Il faut parfois attendre plusieurs dizaines de secondes (voire quelques minutes) pour avancer de quelques mètres. J’avoue que ça m’énerve un peu et j’ai du mal à bien profiter de ce début de course. Cette lente ascension plongé dans la foule me rappelle la montée de la citadelle de Namur de nuit lors du Trail des Lumeçons 2014. Fort de cette expérience, je parviens à me faufiler entre les coureurs afin de gagner quelques places mais surtout pour ne pas avoir l’impression de trop perdre de temps. Pour ne pas trop penser à la lenteur avec laquelle le long serpentin de coureur gravit la côte, je me retourne fréquemment afin de contempler la vallée et les montagnes plongées dans le noir ainsi que les lumières de Sierre et de quelques hameaux isolés. Les étoiles, elles sont pratiquement absentes, la faute aux nuages. Et en parlant de nuage, voilà la pluie qui fait son apparition. Etrange sensation que cette ascension dans une chaleur moite qui nous fait tous transpirer alors même que l’on se fait arroser par une pluie bien fraîche.

L’ascension se poursuit péniblement jusqu’au premier ravitaillement, Beauregard. Cela ne fait que quatre kilomètres depuis que nous sommes partis. Le dénivelé est déjà de plus de 600 mètres et un coup d’œil à la montre révèle une moyenne de…3,5 kilomètre/heure ?! Le moral en prend un coup et dans le reste de l’ascension, chaque portion courable et chaque dépassement est mis à profit pour y remédier. Le poste de ravitaillement est pris d’assaut car les coureurs des deux parcours (Saint Antoine et Niouc) s’y retrouvent. Je n’ai pas encore faim, mes gourdes sont quasi pleines. On ne s’arrête pas ! Un coup d’œil sur la cohue et je continue. Le prochain ravitaillement est à trois kilomètres. Mais ça monte sec : 800 mètres de dénivelé ! J’ai beau essayer d’améliorer la moyenne, rien à faire, l’ascension reste lente. Au moins cela permet de ne pas trop se fatiguer.

J’arrive au ravitaillement de Ponchette mais je n’y traine pas. Je n’ai toujours pas besoin de remplir mes gourdes alors je me contente d’affoner un verre d’eau, d’engouffrer quelques raisins secs et c’est reparti. En fait, je n’ai pas vraiment envie de m’arrêter avant le ravitaillement de Chandolin. C’est un point clef de la course car, une fois arrivés là, la plupart des pentes à très fortes inclinaisons sont derrière nous (l’ascension est toutefois loin d’être finie !).

Pendant toute cette ascension, on a vu le soleil se lever. Difficile de l’apercevoir car cette partie du parcours se faisait principalement sous les arbres mais c’est agréable de voir les couleurs et la luminosité changer autours de nous. La course est aussi l’occasion de belles rencontres. Ainsi, au petit matin et alors qu’on sortait des bois, nous avons eu l’occasion d’observer une petite troupe de chamois brouter en contrebas.

On se rapproche de Chandolin. Pour arriver dans le village, il faut passer par la première vraie descente du parcours. Les bords de chemin sont envahis par les spectateurs. Quelle ambiance ! Les applaudissements et les encouragements fusent. Porté par tout cela ainsi que lancé par la descente que je dévale à tombeau ouvert, j’entre à toute vitesse dans le village. Pour la première fois, je m’arrête quelques secondes au ravito, le temps de recharger ma gourde d’eau. Je prends encore un bout de banane et je repars. Je suis toutefois légèrement inquiet car les fortes inclinaisons des pentes du début de parcours ont déjà fait beaucoup travailler les mollets et ils tirent un peu. Reste à espérer qu’ils tiendront le coup sans trop faire souffrir. On verra. D’un autre côté la bonne nouvelle, c’est que les quadriceps sont en pleine forme ! Même pas entamés !

Quoi qu’il en soit, je quitte Chandolin, direction Tignousa, le prochain ravitaillement. Ce tronçon-là est un peu difficile pour moi. La montée a fait des dégâts et je me sens un peu fatigué. J’essaye de ne pas trop penser et de tirer de la force du paysage. Je sais que ce sera le passage le plus dur parce qu’une fois Tignousa passé, on se dirigera vers le ravitaillement de l’hôtel Weisshorn. Et « une fois que l’hôtel Weisshorn est atteint, la course est réussie » (dixit Tarcy Ançay, ancien triple champion de suisse de marathon et vainqueur de la course en 2006 que nous avions rencontré la veille). Donc je m’accroche, je passe Tignousa (où je prends quelques dizaines de secondes de repos au ravito) et puis j’attaque la montée vers le Weisshorn. Ça, c’est un passage qui me plait. On est au-dessus de la ligne de végétation et la vue porte sur les vallées des environs. C’est tout simplement magnifique. Le sol est très caillouteux, la végétation est peu présente, le ciel est bas (même si il a arrêté de pleuvoir depuis 1h/1h30 environ), on sent un petit vent frais. C’est vraiment la montagne !

Soudain, après une nouvelle côte assez rude et aux détours d’un chemin sinueux apparait le vieil hôtel. Cette vue booste le moral. Même si on sait qu’il reste encore une centaine de mètres à gravir, cela fait du bien car on sait que le plus dur est derrière nous (et avouons-le, à ce moment-là, la fatigue se fait déjà bien sentir). Encore un court arrêt au ravitaillement (le temps de remplir les gourdes et surtout de changer cette horrible boisson sportive à l’orange achetée la veille au profit de l’isostar citron distribué) et on reprend. A partir de là et pendant de long kilomètres, nous nous retrouvons à courir en file indienne sur des petits chemins étroits et sinueux. Il reste encore une solide montée dans des rochers (enfin ! j’ai eu peur d’aller à la montagne et de ne pas avoir ma dose de cailloux 😀 ) et puis ça descend. De là on peut même déjà voir Zinal, là-bas, au loin, tout au fond dans la vallée. Ça aussi ça fait du bien…jusqu’à ce qu’on se rendre compte que le chemin suis le flanc de la montagne…et qu’il ne va pas dans la bonne direction ! 😀

Après cela, voilà la descente et avec elle la vraie grosse frustration de cette course. En effet, je savais que la seconde partie de l’ascension serait rude mais je comptais sur la descente pour faire ma moyenne. Mais au lieu de la belle descente franche à laquelle je m’attendais, je me retrouve embarquée dans une petite descente peu pentue qui ondule pendant des kilomètres.

Et voilà qu’à 2400 m d’altitude, le ciel jusque-là d’un gris sombre se zèbre d’une lueur intense. Et quelque secondes plus tard, un grondement se fait entendre. Voilà l’orage qui arrive. Petit instant d’inquiétude : si la pluie qui avait recommencé à tomber depuis quelques temps s’intensifie sous l’effet de l’orage, la descente caillouteuse risque de s’avérer délicate. Pire encore : les files de coureurs pourraient encore ralentir car certains pourraient avoir peur des cailloux glissants. Et la descente pourrait être encore freinée par des coureurs qui risqueraient d’être trop prudents (tiens, tiens, quel bel oxymore :D). De toute façon, y a pas le choix, faut continuer. Et puis ces inquiétudes sont balayées par le splendide spectacle de la manifestation des éléments. La course se poursuit comme ça pendant plusieurs kilomètres et petit à petit, sous l’effet de l’habitude (et peut-être un peu aussi de la frustration), le coup commence à rentrer et les dépassements deviennent plus faciles (mouais, un poil moins laborieux dirons-nous plutôt).

Et nous arrivons dans les trois derniers kilomètres. Le profil change. Nous entrons dans une large prairie inclinée, très inclinée. Je constate avec étonnement que la plupart des autres coureurs préfèrent tenter de descendre tant bien que mal sur l’herbe mouillée et glissante que dans les nombreuses ravines au fond plein de terre et de cailloux qui traverses le terrain. Cela m’arrange, je peux choisir allègrement les ravines dont les courbes suivent la trajectoire que je souhaite adopter. Je me lance donc dans la descente et en quelques instants la frustration accumulée dans les files disparaît. Je suis comme un gamin et je file aussi vite que mes jambes me le permettent. Mes quadriceps jusque-là relativement épargnés manifestent vite leur mécontentement face à cet effort violent après une trentaine de kilomètres de course. Je choisis de les ignorer, j’ai trop attendu ce moment et je tiens à en profiter. Au bas de la prairie, on entre dans un bois. Le sentier est toujours aussi raide, si pas plus et se tortille dans des virages serrés. Quelques racines pour faire bien et le sentier devient technique, un vrai bonheur. Je fais appel à toutes les techniques imaginables pour épargner le plus possible mes jambes mais surtout pour ne pas avoir à ralentir. Mais les muscles commencent à tétaniser et, lorsqu’en bas de la pente il faut encore franchir un talus pour passer un tunnel et arriver sur la route qui rejoint l’arrivée, ma jambe droite met un peu de temps pour me donner l’impulsion que je lui ai demandé. Pour un peu je me retrouvais au sol à un kilomètre de l’arrivée !

Mais ça y est, j’avale le talus, galvanisé par les clameurs qui me parviennent de l’arrivée toute proche et j’arrive sur la route. Elle descend en pente assez prononcée jusqu’à la ligne d’arrivée. La course est pratiquement finie et malgré la fatigue j’ai l’impression de voler. Les chiffres écrits en blanc sur le bitume indiquant les centaines de mètres qui restent à parcourir défilent sous mes pieds. L’arche est enfin en vue. Un dernier sprint pour empêcher le chronomètre d’ajouter encore des secondes à son grand verdict de chiffres rouges sur fond noir et voilà, c’est fini. Je suis épuisé, vidé et en même temps submergé d’un cocktail d’émotions. Soulagé que ce soit enfin fini et en même temps triste que ce moment soit passé si vite. Difficile de décrire tout ce qui me passe par la tête en ce moment-là. Je suis moi-même perturbé par l’évidente contradiction qui existe entre le vide en moi dû à l’épuisement et le plein d’émotions, de pensées, d’images qui me viennent. Je vois cette même combinaison de joie et de fatigue chez tous les coureurs.

Mes jambes me font mal, j’aimerais m’assoir mais elles continuent de marcher presque toutes seules. Je remarque enfin Natalie et Yves puis Françoise et Peter et je me rends compte que, pris dans ma fin de course, je ne les avais pas vus alors qu’ils venaient nous encourager. Je leur fait signe que je suis épuisé, je récupère un peu dans la zone d’arrivée des coureurs (et j’en profite pour piller un peu le buffet d’arrivée :D) et je les rejoins. Maintenant l’effort fini et avec la pluie qui continue à tomber j’ai vite froid. Je vais donc me changer avant de revenir accueillir Marc, Barbara, Hilde et Vincent. Pour tous c’est la même conclusion : course difficile mais qu’est ce qu’elle est belle !

On est content d’y avoir participé. Plus qu’à attendre l’arrivée des élites pour voir gagner Kilian Jornet pour la quatrième fois (et pour permettre à Barbara de faire un selfie avec lui :D) et on va enfin pouvoir se reposer. Mais surtout, envoyer au diable ce régime de pré-course et manger ce qu’on veut ! 😀

 

Vivement la prochaine !!

Vous trouverez toutes les photos de cette belle aventure ICI