La folle aventure de François au GRP

Je me présente, Francois Dedoyard, plus tout jeune mais pas trop vieux. Adepte du sport depuis toujours et de la course à pied depuis longtemps, je me suis tourné depuis un peu moins de 10 ans vers le trail que je trouve plus en phase avec mes envies (courir dans la nature,  au gré de mes envies et des chemins).

Ayant participé à plusieurs trails en Belgique je regardais depuis plusieurs années sur internet pour participer à un trail en montagne .

Suite à des vacances dans les Pyrénées il y a 3 ans j’ai visité le pic du midi de Bigorre situé à proximité du Tourmalet (sommet bien connu des cyclistes et du tour de France).

Le point de vue depuis ce sommet culminant à 2876m m’a bluffé. Je savais qu’un trail était organisé dans la région et, ni une ni deux, en janvier 2020 je me suis mis à la recherche d’infos .

Il n’a pas fallu longtemps pour tomber sur le site du Grand Raid des Pyrénées (GRP pour les connaisseurs) dont plusieurs de ces parcours passaient par le Pic du Midi. Seul problème : la plus petite distance pour y accéder était de 80 kms.

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Ci après les différentes courses proposées tout au long du WE de 5 jours durant lequel a lieu l’événement .

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Oui oui vous avez bien lu, 220 kms mais restons raisonnable, 80kms et 5000m D+ c’est déjà un fameux défi .

Après plusieurs jours d’hésitation, je me lance et m’inscris sur ce Tour des lacs 80kms pour l’année 2020.

La covid étant passée par là, l’édition 2020 fut annulée et les inscriptions reportées à 2021.

L’entrainement débute dès l’entame de 2021 avec plusieurs sorties en Ardennes lors de Trails organisé en mode COVID .

Malheureusement une douleur au tendon d’achille (déjà partiellement déchiré il y a 10 ans ) est venue bouleverser tout cela en juin, m’obligeant à interrompre la course à pied et de basculer vers du vélo pour soulager le tendon alors qu’une sortie de 60kms était à la base prévue pour peaufiner la prépa.

L’incertitude me gagne quant à la participation au GRP. Cette incertitude me suivra jusqu’au dernier moment .

Après plusieurs séances de kiné et des exercices à la maison, je reprends l’entrainement doucement mais surement à 1.5 mois de l’échéance. La douleur a disparu mais la gêne est présente. La course n’est pas fluide, difficile d’enchainer les sorties comme je le souhaiterais et hors de question de vouloir se cramer en voulant faire d’énormes sorties si près de l’échéance.

On enchaine les entrainements coyote et des sortie D+ dans les environs (Meerdael, Lauzelle, bois des rêves et son parcours VTT) mais aussi de la marche rapide sur un parcours vallonné (tour du lac de Nisramont, très beau soit dit en passant, je conseille et en bonne compagnie en plus 😊).

A une semaine de l’échéance, il faut se décider et faire un choix pour pouvoir réserver l’avion, l’hôtel, la voiture.

Tout se bouscule dans ma tête, aurais-je assez d’entrainement, mon tendon va-t-il tenir le coup, ne serait-ce pas plus raisonnable de limiter les frais à la seule perte de l’inscription, est ce raisonnable un tel rapport dénivelé/distance…?

Le stress me gagne (comme si je ne l’étais pas déjà assez comme ca), bon allez on tente le coup ! En une soirée je réserve, je visionne les vidéos, je lis les commentaires, j’achète les gels, barres, et accessoires nécessaires et obligatoires. Mise en ordre des documents covid safe, attestation pour entrer en France, déclaration sur l’honneur pour le contenu du sac à dos. Go ! (Merci à Mag et à mes amis coyotes pour la soutien).

J-3  Ca y est ! départ pour Toulouse, puis 1h30 de voiture vers Vielle Aure et me voilà sur la place du village transformée en grande zone de départ et d’arrivée .

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Ah cette ligne si je la passe ce sera déjà très bien me dis-je .

Une première nuit perturbée, une petite sortie pour découvrir les premiers kilomètres du parcours  dans le courant de la matinée et nous voilà déjà à la remise des dossards .

Voilà j’ai récupéré le sésame. Maintenant, « il n’y a plus qu’à », comme on dit.

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Un repas léger, quelques achats pour le déjeuner très matinal du lendemain, vérification du sac et au dodo .

Deuxième nuit TTTTRES perturbée, et comme d’habitude réveillé avant la sonnerie à 3h du matin .

Déjeuner, passage aux toilettes, habillage, repassage aux toilettes et en route pour se rendre en voiture au départ .

4h25 je me dirige vers la ligne de départ, l’ambiance est déjà très chaude avec un speaker qui fait monter l’adrénaline. Comme si c’était nécessaire…

4h45 on annonce l’arrivée du 4ième de la course des 220 kilomètres. Une foulée légère, l’air frais comme un gardon. Hé bien, j’espère être comme lui dans quelques heures.

Départ imminent on allume les frontales.

5h01 Go !

C’est parti. Mais dans quoi je me suis lancé la? J’aurais mieux fait de faire un minitrip sur une plage espagnole (bien que avec le covid…).

On démarre sur un rythme très calme pour se mettre en jambes. Un vieux sage de la discipline m’a glissé à l’oreille « Petit, si tu veux arriver au bout, tu démarres calmement car la course débute au 40ième km quand tu as passé le pic du midi ».

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Il ne faut pas longtemps pour que les choses sérieuses commencent. En effet, après 1.5 km une ascension de 15kms et 1500mD+ commence. On sort les bâtons (que je ne quitterai plus jusqu’à la fin) et on prend son rythme de sénateur. Ca discute, ça rigole (plus pour longtemps).

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Après 2h30 de montée et un superbe lever de soleil, nous voici au dessus de la première difficulté avec premier ravito (liquides). Je n’ai pas l’impression d’avoir trainé mais la barrière horaire est à 8h du matin à ce premier point de passage. Faut pas lambiner ! Heureusement, la suite c’est le tracé du GR10 qui traverse les Pyrénées en longeant des lacs, traversant des pierriers avec à la clé des paysages éblouissants. C’est là qu’on se dit qu’on a bien fait de venir.

Le sentier est assez roulant ce qui permet de courir et de se donner une marge de sécurité par rapport à la barrière horaire suivante.

Le peloton s’étire doucement

Tout se passe bien pour le moment. Les kilomètres s’enchainent très doucement mais pas de douleurs, ni de gêne. Je m’hydrate bien et je me nourris régulièrement. Lors du briefing d’avant course, le responsable des secouristes nous avait dit que boire c’est bien mais il faut garder l’eau. Un petit peu de sel dans la poche d’eau m’a également permis de bien gérer ma perte d’eau .

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Les montées s’enchainent, ainsi que des zones très techniques où courir est totalement impossible, du moins pour le commun des mortels. Sans quoi, on y laisse une cheville et c’est foutu.

Regarder ou on met les pieds tout en essayant de regarder le paysage et de faire quelques photos .

Les lacs s’enchainent Bastan, Grésiolles, Hourquette, D’oncet…

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Ca ne donne pas envie… Allez, les inscriptions pour l’édition 2022 c’est en décembre .

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Le temps est avec nous. La fin de matinée approche et le soleil commence déjà à chauffer sérieusement. On annonce 27 degrés pour l’après-midi. Aie, ca ne va pas être simple. Je préfère courir quand il fait moins chaud. On ne peut pas tout avoir.

Le ravitaillement solide de la Mongie au km 32 approche. Enfin. On va pouvoir s’assoir et grignoter autre chose que des barres.

 

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Une montée dantesque se présente alors à nous. Près de 30-35% de pente avant de basculer sur la station située au pied du Tourmalet.

On passe le col et voilà que se présente à nous notre objectif de mi-course : le pic du midi. On n’est pas arrivés… Fait chaud.

Bonjour la descente. Tout dans les quadris ! Heureusement qu’il y a les bâtons pour amortir un peu. Fallait bien que je me le dise, voilà que je glisse et en voulant me rattraper je plie un de ceux-ci. Il reste 50kms, c’est la poisse. Heureusement, après un repas gastronomique pris à même le sol. Et pour digérer on repart sur une première ascension qui nous mène au col de Sancours au pied du pic du midi. Il commence à faire sacrément chaud. Km 36. Nous voici au pied du fameux pic. Point culminant de notre périple mais seulement la moitié du parcours.

Mais il faut le mériter et avaler les 3 kms de montée pour 500D+. Et voilà, c’est chose faite. On est au 40ième kms et déjà 3460 m de dénivelé positif d’avalé. A ce moment, je me dis que si je suis venu jusque là c’est pas pour abandonne par après.

En descendant à grandes enjambées en courant on salue les autres qui montent comme les précédents l’ont fait pour nous peu de temps avant. Là on est parti pour 1500m de D-.

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Au ravito du col de Sancours, dans l’autre sens on salue des bénévoles très sympas qui nous encouragent et on continue droit dans la descente direction Tournabout au km 52 où a lieu le gros ravitaillement .

Que c’est long. Les jambes en prennent un coup, la fatigue commence à se faire sentir. Il fait toujours chaud, il faut boire, ne pas oublier pour ne pas se déshydrater.

J’accroche un petit groupe qui avance bien, nous empruntons une piste de ski bien large sur l’autre versant du Tourmalet ce qui permet de reprendre une course fluide mais ca commence à faire mal.

J’accède au ravito où toutes les longues distances (80-120-180-220) se rejoignent pour les 28 derniers kilomètres.

Pâtes, soupe, charcuterie, sucré… On a le choix. Et encore des bénévoles hyper sympas. On ne manque pas de leur dire d’ailleurs.

Les pâtes ne me tentent pas mais la soupe passe bien et j’en reprends une seconde tasse dans mon bol pliable. Un peu de saucisson, mes tucs habituels et du fromage.

Je discute quelques instants avec un couple qui est aligné sur le 160. Ils sont en route depuis la veille et s’attendent à passer une bonne partie de la nuit dehors. Je leur demande où ils ont dormi. Deux micros siestes de quelques minutes seulement. Bon ok. Balaise quand même.

Je me lève de ma chaise et c’est là que ca commence à faire mal.  Je commence à me poser LA question: je continue ou pas ?  Un organisateur annonce le départ imminent du bus de retour pour les abondons.

Je fais semblant de ne pas l’entendre. 28 kms c’est la distance de la Bouillonnante avec 1500 D+. C’est là que cela va faire mal .

Bon, je me bouge. Je passe la barrière de chronométrage et en sortant du ravito je pose quand même la question de ce qui m’attend. Oh juste le ravito suivant dans 9 km et donc 3h à partir d’ici et 900mD+ d’un coup. Trop tard j’ai passé la barrière. On lâche rien. C’est parti !

Ca commence à peser sur les organismes. On se suit en petit groupe à la queue-leuleu presque sans dire un mot.  2h30 plus tard on approche du ravito suivant. Encore une petite soupe et quelques morceaux de fromage. On repart sans trop tarder de toute façon même si j’abandonne ici  pas de route, ni de moyens de locomotions donc il faudra de toute façon redescendre à pied ou continuer alors je continue.

Je marche comme un robot, le col qui nous attend ce n’est que 300m D+ mais qu’est ce que c’est dur. Un coéquipier de galère quitte le rang, jette ses bâtons, s’assied en pleine montée et décroche son GSM : «  Allo chérie, j’en peux plus, j’en ai marre, je suis crevé » Je ne sais pas ce qu’il a fait et si les mots de réconfort de sa tendre on eu l’effet escompté mais je ne l’ai jamais revu. Encore une fois impossible qu’elle vienne le chercher.

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Je n’ai plus le courage de prendre beaucoup de photos. De toute façon le ciel s’assombri, la nuit tombe tout doucement. On ressort les frontales et la veste coupe-vent car l’air commence à se rafraichir.

Une longue descente pour arriver à une petite bergerie où des randonneurs qui préparent leur souper nous annonce le ravito dans 45min. Encore tout ca ? Et bien oui ! J’ai compris, encore un petit 200 de D+. Y en a marre aussi. Je me serais bien assis avec eux. Je me mets à penser à l’énorme bière que je vais avaler à l’arrivée mais pour cela il faut arriver au bout ( on se motive comme on peut 😊).

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Dernier ravito resto de Merlans 70ième. On n’est pas loin. Je m’arrête à peine et on remet encore le couvert pour la remontée d’une piste de ski. Je m’en doutais à voir les frontales qui avançaient dans le noir. Plusieurs mètres entre les coureurs, mais voilà que je fais la bascule au col de Portet que j’avais passé plusieurs heures plus tôt lors de la première ascension.

Yes, il n’y a plus qu’à se laisser descendre jusqu’à la l’arrivée. Oui mais à l’aller on avait fait 1500D+. Donc là c’est 1500 de D- sur les 9 dernier kms. 2h30 de descente à freiner avec les bâtons pour économiser les genoux .

C’est long, je vois les frontales qui forment un chapelet dans le noir

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Des petits jeunes me dépassent. Dur de les suivre à la course mais je fais l’effort puis vient la vrai descente. Impossible de courir. J’ai l’impression de ne pas en voir le bout.

Et puis enfin : la civilisation ! Les premières maisons. Mais ce n’est pas le village, c’est encore un hameau bien au dessus que je n’avais pas repéré sur la carte du parcours et on repart pour la descente après un peu de bitume . Je cours un peu sur les chemins plus carrossables et moins pentus.

Je retombe enfin sur une portion que je connais, empruntée la veille pour m’échauffer.

Allez, ca sent l’écurie ! Les pierres du sentier sont mouillées, je glisse et manque de tomber. Un coup d’adrénaline qui te bouffe encore un peu d’énergie.

On entend un feu d’artifice à l’arrivée. Ca y est ! On n’est pas loin. Mais il y a encore 1.5 kms de plat. Je cours toujours. Le sentier le long du cours d’eau menant au centre du village me semble interminable. Je dépasse un concurrent que je motive et il me lance « Ras le bol, plus de courage « .

Je monte sur la route et prend à gauche . La ligne d’arrivée est en vue. Il fait nuit mais il y a encore du monde sur la ligne. Quelques enjambées et voilà le speaker m’annonce,   » Francois « . J’ai du mal à réaliser. Il me demande d’où je viens.  « Du plat pays, à  Hoegaarden « .  « Ooohhh très bien », dit-il. « On aime la Hoegaarden ici ».

Je regarde autour de moi, l’air un peu hagard. Ensuite je me dirige vers le ravito final mais avant cela, remise de la médaille finisher et du t-shirt. Tout ca pour un t-shirt et une médaille diront certains.

Oui mais ……

Avec un chrono de 19h22 je me classe 413ième sur 1200 partants et 700 finishers. Juste un petit regret de ne pas avoir pu tenir mon objectif de terminer avant minuit .

La fatigue est bien présente et encore un peu de route pour rentrer à l’hôtel. Je n’en ai même pas pris ma grande bière tant rêvée. Pas grave, ce sera pour demain .

Après un peu de repos on réalise un peu plus  ce qu’on vient de faire. Dieu que c’est dur ! Mais que la nature est belle et que ces paysages sont magnifiques ! Contrairement à d’autres organisation et malgré les 4500 coureurs répartis sur les courses du long week-end et les 700 bénévoles (que je remercie au passage ainsi que l’organisation), ça reste un trail convivial et bon enfant mais très technique et difficile. Une préparation sérieuse s’impose, même pour des distances plus courtes.

Voilà, je me suis laissé aller à écrire ces lignes car en  même temps j’ai revécu mon périple que j’ai fortement apprécié et dont je suis fier mais si je devais refaire ce genre de course je compte bien adapter mon entrainement.

J’’espère que je vous ai donné envie par cette lecture et ces photos de vous lancer.

Pour moi, la suite, on verra bien …….

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